De la politesse au respect
Politesse, éducation et culture
Les mots « Bonjour », « s’il-vous-plaît » et « merci » sont des réflexes que nos parents nous ont inculqués pour interagir avec les autres. C’est une étiquette à suivre, une exigence sociale que nous avons reçue en éducation par la famille ou notre environnement.
Pour ma part, j’ai reçu une éducation à la chinoise de classe peu favorisée et les formules de politesse n’existent pratiquement pas à la maison. Chez nous, il n’y a pas de chichis car les choses doivent être faites pour faire tourner la maison. Cela ne veut pas dire que nous savons pas les utiliser, au contraire, nous l’utilisons la politesse à notre manière.
Un sourire timide peut suffire à être poli, vous ne trouvez pas ?! La politesse et la gratitude peuvent se transmettre dans notre comportement.
Le tutoiement ou le vouvoiement ?
Je suis tahitienne et sur mon île natale, les gens se tutoient systématiquement. Alors le vouvoiement est longtemps resté intriguant pour moi, comme s’il était réservé aux nobles ou aux gens de lettres. Je me rappelle que c’est pendant mes études supérieures que j’ai entendu pour la première fois mon professeur de gestion informatique vouvoyez ses élèves. Cela m’a fait vraiment tout drôle ! Il venait de métropole, cela s’explique.
J’apprends que maintenant le vouvoiement s’est installé à Tahiti, d’après cet article de presse qui date de 2016 « Le vouvoiement progresse à Tahiti : et toi, qu’en dis-tu ? » Je n’ai pas eu l’occasion de le constater par moi-même, vivant en France depuis 2004.
Il y a cet artiste tahitienne Mika alias Mikachu qui a raconté en dessin son choc culturel en venant étudier au métropole sur son site : « Tu sais que tu es de Tahiti quand… » Tout comme elle, j’ai eu une mauvaise expérience lors de mon premier emploi en France pour un remplacement, j’ai tutoyé la Secrétaire Générale de l’école nationale supérieure d’architecture. J’avais réussi à maintenir le vouvoiement mais là c’est sorti… J’ai réalisé mon erreur une fois que la Secrétaire Générale m’a remise à ma place. Je n’ai rien dit même si je trouvais cela terriblement injuste car je n’avais aucune intention de l’offusquer. Mais bon c’est la règle et je comprends parfaitement. Cette histoire n’a rien enlevé à notre collaboration qui s’était toujours très bien passé. Mais je n’oublierai jamais parce que cela a été vraiment un choc culturel. J’ai trouvé aussi étrange que mon ex-belle-mère vouvoie la grand-mère de mon ex-époux depuis toujours alors que je pouvais la tutoyer.
J’ai donc remarqué que les personnes font preuve de tolérance lorsque je leur explique l’environnement où j’ai grandi, mais j’ai aussi réalisé que le vouvoiement peut être utilisé pour distancer les personnes que nous n’apprécions pas. Alors qu’à Tahiti cette méthode n’est pas courante, voire n’existe pas. Les tahitiens ont beaucoup de franc-parler. Lorsqu’ils n’aiment pas une personne. Cela se voit. Pas d’hypocrisie et chacun à sa place. J’ai trouvé que la vie dans le grand continent est bien plus compliquée pour ce qui est des rapports avec les autres…
À qui le respect est-il du ?
J’ai un ami qui est chauffeur scolaire de collégiens et j’ai souvent entendu ses contrariétés dans son travail. Il déplore que les jeunes de nos jours soient avares de mots de politesses, et parfois, les enseignants pendant les sorties scolaires en font de même. C’est preuve que apprendre les bonnes manières est un travail de longue haleine, malgré que l’on habitue l’enfant vers l’âge de 3-4 ans.
Le père de mes enfants a appris à mes enfants à toujours dire les mots de politesse suivis de Monsieur et Madame, plutôt que dire un simple « Bonjour » qu’il dit être impoli. À Tahiti, je dis « bonjour » avec un très joli sourire des îles, et en chinois je dis un simple Bonjour suivi d’une phrase bienveillante…
Par exemple, pendant que je faisais mes courses lorsque je vois une personne qui s’occupe du rayonnage, je lui dis toujours bonjour mais une fois, j’ai été distraite, et lorsque je me suis rendue compte de sa présence, je me suis excusée en lui disant bonjour ! Celui-ci a été très surprise de ma réaction. Et inversement, sa réaction m’a étonnée et intriguée.
Dans le sens inverse, un ami Maire d’une petite ville cherchait un produit et, ne trouvant pas s’est dirigé vers un monsieur du rayonnage pour lui demander. Il s’était rendu compte plus tard de son erreur : il n’a pas dit « Bonjour » avant de demander ce qu’il recherchait !
Je travaille dans le secteur médical et il m’est arrivé qu’un médecin me dise « Bonjour » suivi par mon prénom, et ça me plaît beaucoup ! Alors que d’autres ne répondent même pas à mon bonjour, pas un seul signe, et me traitent toujours comme si j’étais transparente. Mais ce n’est pas grave, je ne m’offusque pas. Je ne les connais pas et je continuerais à être moi et enjouée de dire bonjour.
En côtoyant ces gens au cours de ma vie j’ai constaté que la vie sociétale met toujours en avant les métiers qui ont un certain prestige : avocat, médecin, militaire, ingénieur… laissant de côté les métiers qui font moins rêver : artisan, éboueur, chauffeur de bus, caissière, agent d’entretien… Mais tous les métiers sont indispensables pour que le monde fonctionne. Alors chacun mérite de recevoir nos mots de politesse.
J’ai horreur des personnes qui se croient meilleures que les autres à cause de la valeur de leur portefeuille, ou de leur statut social. Je pense qu’il est important d’être conscient de ce travers, et de traiter l’autre avec respect à son lieu de travail. Il ne faut pas oublier que chaque employé est avant tout un humain, avec toute la complexité et la sensibilité que lui a amené sa vie, et non une machine qui doit se plier à notre plaisir ! Pour conclure, exprimons-nous toujours avec sincérité et avec le sourire. Chacun à son propre histoire, alors essayons de ne pas porter de jugement. Soyons tolérant et toujours bienveillant. Et n’oublions pas que l’on ne peut pas plaire à tout le monde hein.
J’ai trouvé marrant ce morceau de sketch car à Tahiti on ne dit pas autant de formules de politesse, hahaha !
Politesse et asservissement
J’ai beaucoup appris avec mes ex-compagnons toxiques. Je suis tombée sur des personnes qui sont très attachées aux mots de politesse. Si je ne disais pas s’il-te-plaît (souvent c’est pour participer à des tâches ménagères) ou merci (pour les remercier de leur effort d’avoir passer l’aspirateur par exemple !), ils prenaient cela comme une agression personnelle. Mais ne devais-je pas moi-même me sentir agressée du fait qu’ils ne prennent pas l’initiative de faire ces travaux eux-mêmes ?
J’ai imaginé cette scène avec mes parents ? Est-ce que tu pourrais faire ceci et cela ? Pourrais-tu cuisiner ? Pourrais-tu couper les carottes ? Pourrais-tu nourrir le chien ? Pourrais-tu… Je ne comprenais pas du tout. Il y a des choses qui doivent être faites si nous voulons manger, vivre ensemble. Ce n’est pas plus à eux qu’à moi de les faire, et donc ce n’est pas leur demander un service que de les inviter à participer, c’est plutôt un rappel à l’ordre…
Bref, malgré mon empathie et ma tolérance, il y a des moments où je ne trouve pas juste (sur le plan de la dignité) d’utiliser des formules de politesse. De plus, j’ai réalisé que me plier à leurs exigences en m’effaçant et prenant sur moi-même pour ne pas occasionner des tensions n’étaient pas leur rendre service.
Cette forme de politesse était une forme d’asservissement de machisme. Je l’ai compris à mes dépends. Alors le jour où ils me demandaient des excuses, ils pouvaient toujours courir. Non, on ne demande pas, tout comme on ne demande pas le respect ni la confiance. Ces sentiments doivent être là mais ne peuvent en aucun cas être demandés ! Un de mes ex aimait me reprendre comme si j’étais une enfant. Je trouvais cela vraiment déplacé. Il croyait vraiment qu’il faisait mieux que les autres !!!
La politesse et l’hypocrisie
Avec eux, mes relations de couple se sont terminées de façon très douloureuses pour moi, alors j’ai été très surprise de leur attitude à revenir vers moi comme si de rien n’était, malgré le mal qu’ils m’avaient fait. Pour me protéger de leur violence et de leur égoïsme, j’ai maintenu une distance de sécurité. Je ne voulais pas leur faire croire qu’une amitié était encore possible. Je n’étais pas insultante, mais ils ont pris le refus de ce « droit » qu’ils pensaient avoir sur moi comme une insulte, un mépris. Ah ces hommes et leur fort ego ! Ils m’ont même reproché d’être une personne irrespectueuse, prétexte qu’ils ont pris, non-pas pour s’excuser d’eux-mêmes, mais pour me déballer toute leur rancœur.
Cela m’a travaillé, je me suis remise en question et j’en ai parlé à mes parents de cœur. Ils m’ont dit que mes ex n’avaient pas à demander mon respect. Il en ont bien profité et abusé quand en tant que femme seule j’étais en position de faiblesse (car je n’avais, à l’époque, ni ma famille ni beaucoup d’amis derrière moi) ! Alors ça m’a rassuré… En comparaison, lors de mon premier divorce avec ex-vendeur de rêves, il avait tellement peur de mon père et de mon frère, qu’il n’osait pas venir lui même s’expliquer pour sauver notre mariage ! Pas de problème de politesse dans ce cas là 🙂
J’ai compris à mes dépends que la société exige ces mots de politesse pour maintenir des relations cordiales. Il est question d’ici de la forme et non du fond. Je devrais continuer à dire les mots de politesse par automatisme même si le cœur n’y ait plus. Je vous avoue que je déteste cette forme d’hypocrisie. On dit que la politesse est la forme la plus acceptable de l’hypocrisie et dans ces situations c’est réellement ça !
Dire « les mots magiques »
Ce n’est pas pour rien que l’on dit que ce sont des mots magiques car effectivement. Lorsqu’on connaît les règles et les valeurs qu’à l’autre par rapport à ses propres règles. On peut entretenir une relation cordiale non conflictuelle. Ça rend les choses plus faciles, car si nous sommes attentifs à l’autre, cela leur permet de l’être aussi envers nous.
J’ai compris que si on se comporte mal avec l’autre. Les mauvaises ondes reviennent telle un boomerang. Deux personnes avec lesquelles je souhaitais « couper les ponts » me faisaient la morale « Je dois évoluer, je leur dois le respect ». Oh pardon ?? On attire ce qu’on a semé en quelque sorte !! Alors il est préférable de rester polie face avec ce genre de personne.
Je l’ai testé et ça a marché. Il faut ravaler son ego. Le Merci est utile socialement ! Et ma relation avec l’autre est en accord avec moi, cela demande de l’entraînement. Mais j’ai aussi découvert le vrai sens de la gratitude. La gratitude est beaucoup plus grande que de dire un simple « merci ». Ici on parle non du simple merci pour avoir des relations cordiales mais bien le remercier du plus profond de son cœur. Et ça, cela ne se ment pas.
Je trouve que la politesse, cela me permet de mieux comprendre les autres, car c’est lié à notre éducation et à notre rapport avec les autres. Et vous, dites-moi votre rapport avec la politesse ?
Un souvenir…
Cela m’a fait pensé à un film de mon enfance, une scène où il faut apprendre à dire bonjour !
2 commentaires
Janosch
Je suis tellement d’accord avec tout ce que tu as dit là !
Quand j’étais plus jeune j’avais l’habitude de dire bonjour à tous les gens que je croisais. Je faisais même des petits saluts de la main aux voitures qui passaient !
J’ai arrêté d’en faire quand on m’a dit que c’était ridicule, voire intrusif ! Comme si dire bonjour était impoli ! C’est l’inverse de ce que c’est sensé signifier !
Ce qui me parle beaucoup aussi c’est ton paragraphe sur la hiérarchie. Je trouve ça ridicule qu’on DOIVE le respect à quelqu’un simplement parce que c’est notre supérieur hiérarchique ! C’est faux !
On doit le respect aux gens parce que ce sont des personnes, des humains, nos égaux, pas parce qu’un papier à dit qu’ils nous étaient supérieurs !
À ce niveau-là je ne sais pas si tu as été gagnante en venant en France. Ça devait être beaucoup plus honnête à Tahiti !
Moi-même j’ai beaucoup de mal à me faire une place ici car je suis « trop » honnête (j’insiste sur les guillemets).
En tout cas bravo pour cet article ! Et bravo pour ne pas te laisser te marcher dessus !
Ton extrait vidéo est super aussi ! ^^
Princesse Petit Pois
Tiens Mimi enfant faisait cela aussi, elle avait cette joie de vivre et disait bonjour aux personnes que nous croisions souvent sur le chemin de l’école, dans notre quartier.
Elle fait comme moi, je dis bonjour aux éboueurs, au boulanger qui fume sa cigarette dehors, et aux autres personnes que l’on croise… Lorsqu’elle a commencé à dire bonjour à tout le monde, j’ai trouvé cela plutôt amusant, mais pas ridicule. Je lui ai demandé de ne pas dire « bonjour » aux personnes que l’on ne connaissait pas et que nous ne croisons pas dans notre quotidien. De plus j’avais une certaine méfiance car l’environnement ici en métropole est moins sécurisant que celui de Tahiti…
Oui cela m’affecte l’hypocrisie des gens à travers la politesse. C’est pourquoi je pense que je ne voudrais plus travailler dans une entreprise où il y a cette notion de hiérarchie. Je préfère mon travail de secrétaire où j’ai un lien plus humain avec mon médecin. Et puis je suis surtout en contact avec les patients, ils bénéficient des mêmes soins et j’ai toujours le même rapport avec les patients qu’importe s’ils sont agents d’entretien ou psychologue etc. Cela me fait du bien de les voir « humains » et « humbles », laissant de côté leur statut et tous ces artifices sociaux.
C’est vrai que j’ai mis du temps à trouver ma place en métropole. Une fois j’ai été confronté à une personne de la CAF qui était très désagréable avec moi. Je ne comprenais pas son attitude. Puis on m’a dit que peut-être qu’elle était raciste ! Cela m’aurait dérangé, parce qu’à Tahiti, jamais je me suis sentie différente par mes origines et la couleur de la peau. Alors qu’en métropole il y a effectivement cette méfiance de l’autre… Bien sûr je ne pense pas qu’elle soit raciste, je préfère penser qu’humainement, elle a juste eu une mauvaise journée, ça arrive…
Je te remercie beaucoup de ton retour Janosch !! Ainsi je te connais un peu plus 🙂